DES ŒUFS ET DES TOMATES EN PRÉVISION DE LA VISITE DE NKURUNZIZA PIERRE AU CANADA

Le 11 mai 2011 : « L’Ambassade du Burundi à Ottawa a l’honneur d’inviter tous les Burundais et Burundaises du Canada à une rencontre avec le Chef du Protocole Adjoint du Président de la République du Burundi Monsieur Nasasagare Albert, qui aura lieu le samedi 14/05/2011 à la Résidence de l’Ambassade au 550 Minto Place, de 18h00 à 20h00 ». Le 21 août 2011 : « L’Ambassade du Burundi à Ottawa invite (…) à une rencontre avec la Ministre de la Fonction Publique, du Travail et de la Sécurité Sociale, Honorable Sendazarasa Annonciate qui est prévu ce samedi 03/09/2011 à 18h00 à la Résidence». Que cachent donc ces invitations ridicules ?

La première fois, les invités croyaient à une blague de mauvais goût. D’une part, aucune autre mission diplomatique n’inviterait ses ressortissants à aller rencontrer un chef de protocole, encore moins adjoint. En tout respect pour les gens qui occupent cet emploi, la fonction en soi est politiquement insignifiante. On enverrait la bonne ou le chauffeur du président que ça serait la même chose ! D’autre part – et cela vaut également pour la rencontre avec Mme Sendazirasa – on n’invite pas à une rencontre de deux petites heures, qui de surcroît commence à 18h00, dans un pays immense de taille continentale tel que le Canada. 

Dans des styles différents, les Burundais du Canada n’ont pas caché leur mécontentement face ces invitations ridicules. Un d’entre eux a demandé si l’Ambassade allait les loger. Un autre a suggéré « aux dignitaires » de visiter les villes de grande concentration burundaise s’ils veulent donner le message dont ils sont porteurs. Le dernier a été on ne peut plus cinglant, en qualifiant ces missions de honteuses « au moment où la faim, la malnutrition, les maladies liées à la pauvreté tuent des enfants burundais, ceux qui se réclament représentants ou autorités ne se gênent pas à sillonner le monde entier pour leurs intérêts, aux frais de l’État, sous couvert des missions diplomatiques fictives ou vides de sens ». 

Au-delà de ce déficit de communication de l’Ambassade à sa propre diaspora, ses fonctions mêmes de représentation diplomatique sont absolument inexistantes depuis près de 20 ans. De fait, à partir des années 1990, tous les ambassadeurs qui ont succédé à Philippe Kanonko, excepté peut-être Mme Kabushemeye, étaient d’une incompétence notoire, parfois de moralité douteuse. On se souviendra par exemple que feu Frédéric Ndayegamiye, ancien chef de cabinet de Ndadaye nommé à Ottawa sous Ntibantunganya, allait vendre la fameuse Résidence (voir photo) n’eut été l’intervention bruyante des étudiants d’alors ! Une mission d’inspection fut dépêchée de Bujumbura manu militari. Le pays était encore gouverné … mais là n’est pas la question aujourd’hui! Par la suite, tous les gouvernements envoyaient des figurants, des hommes et des femmes qu’il voulait « récompenser » sans égard aux compétences minimales en diplomatie. 

Outre la déconsidération indécente manifestée à l’égard de la mission diplomatique par le pays hôte, l’autre conséquence directe aura été le climat malsain entretenu durablement au sein de la diaspora. Tout le monde vous dira que la diaspora burundaise du Canada est restée la plus divisée sur base ethnique, devançant même celle d’Europe où pourtant vivent des réfugiés de longue date. Pilotée du côté hutu par les extrémistes de la Communauté burundaise du Canada (anciennement la « Communauté burundaise hutu du Canada ») et du côté tutsi par les radicaux de la Communauté Burundaise de Montréal, cette plaie ethnique est restée pratiquement béante et purulente depuis le temps des machettes et des balles des années 90 au Burundi. Les deux communautés sont incapables de se sentir quels que soient les efforts de la chargée d’affaire, Mme Semonde. Pour le moment, du côté hutu, la radicalisation évolue avec les partis et les rébellions alors qu’une certaine indifférence politique gagne de plus en plus les tutsi. Au milieu de cette soupe peu ragoûtante, l’absence d’une autorité burundaise compétente, rassembleuse et rassurante est criante. Et ce n’est pas le gouvernement Nkurunziza qui enverra quelqu’un(e) répondant à ces critères, non pas que de tels individus manquent mais parce qu’il les sélectionne à son image. C’est à dire : incompétents et la tête ailleurs. 

La preuve – revenons donc à nos propos du début - ces missions qui n’ont ni tête ni queue auxquelles l’Ambassade convie les burundais du Canada pour masquer la fraude organisée au sommet de l’État ! Car autrement, quelle mission confierait-on à un ministre de la fonction publique (je n’ose même pas parler d’un chef de protocole adjoint) auprès de la diaspora ? La vérité est que, M Nasasagare, Mme Sendazirasa et bien d’autres, vont au Canada … en mission de prière ! Oui, vous avez bien lu : ils désertent leur travail, prennent l’avion aux frais du contribuable simplement pour aller prier dans des sectes chrétiennes qui pullulent en Amérique du Nord. En même temps, ils sont chargés par le couple Nkurunziza-Bucumi de prospecter et de négocier des invitations à leurs noms. Souvenez-vous, en février 2008, Nkurunziza Pierre s’était rendu aux États-Unis pour ce qu’on appelle un « Prayer Breakfast ». Il y avait même décroché un diplôme de « Docteur Honoris Causa » décerné par le « Latin University of Theology » en Californie. Quelqu’un avait d’ailleurs proposé qu’on lui accorde en même temps celui de « meilleur poseur de mines antipersonnel …», une idée vite rejetée par son entourage. Cela étant dit, qui l’avait précédé ? Nul autre que Nasasagare Albert qui en avait profité pour lui concocter une liste de charlatans religieux prêts à tout pour lui venir en aide. On avait vu encore en juillet dernier le couple Nkurunziza-Bucumi se pavaner à Gatumba et ailleurs, accompagné par un autre couple de pasteurs américains venu tout droit du Texas. 

En 2008, au moment où il sillonnait les églises californiennes, le visa canadien lui fut refusé à cause de son passé de « terroriste-génocidaire ». Ses proches disent que ce refus lui a fait très mal. Qu’à cela ne tienne, il maintient toujours son rêve de réussir là où Buyoya et Minani ont échoué, c’est à dire visiter le Canada. Il semble que le puissant lobby religieux très actif serait en passe de convaincre les autorités consulaires de laisser entrer l’ancien « terroriste-génocidaire » que l’on dit aujourd’hui repenti. Et tel serait alors, selon des sources dignes de foi, le but des missions aux apparences bidons qui viennent en éclaireur à la visite pastorale Nkurunziza. 

Du coup, la diaspora s’organise. Les rescapés de l’ancien chef rebelle du temps du maquis et les réfugiés politiques récents qui fuient les tortures et assassinats de son régime contactent leurs avocats pour qu’une action en justice soit déposée dès que le dénommé Nkurunziza Pierre mettra le pied sur le sol canadien. D’autres, plus terre à terre, auraient déjà commencé à stocker des paniers de tomates et des œufs pas tout à fait frais pour le jour du sermon … 


Le 03 septembre 2011, Kibuti Jean-Pierre



05/09/2011
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 4 autres membres