Rwanda-Burundi : les Belges aussi doivent réfléchir


Un demi-siècle après l’accession à l’indépendance du Rwanda et du Burundi, l’heure est aux célébrations, à Bujumbura en tout cas, mais aussi à la réflexion : pourquoi, en termes de développement humain, d’acquis démocratiques, et même de relations de voisinage, le bilan est-il aussi lourd ?

Car la Belgique, ancienne puissance coloniale, qui s’était vu confier la tutelle sur ces deux petits pays initialement conquis par l’Allemagne, est loin d’être sans reproches. S’il est parfaitement justifié de souligner aujourd’hui, – enfin ! – la responsabilité de la France dans le génocide au Rwanda, il faut aussi élargir le champ d’analyse : ce sont bien les Belges et eux seuls qui, depuis le début du siècle dernier, ont modelé la politique de ces pays. Ils ne se sont pas contentés d’imposer une lecture ethnique des différences sociales qui existaient entre Hutus et Tutsis, de confondre la démocratie avec la loi (la dictature ?) de la majorité numérique, de diviser de vieux peuples, des sociétés aux structures complexes. La Belgique, dans les années 60, a aussi démontré que, dans sa propre sphère d’influence, elle ne reculait pas devant le recours à la violence, voire au crime : si les circonstances de la mort de Lumumba ont fait l’objet d’une enquête parlementaire, on ne sait toujours pas qui a ordonné l’assassinat du prince Rwagasore au Burundi ni pourquoi le roi Mutara du Rwanda a été emporté par une « mauvaise piqûre ».

Il serait peut-être temps de reconnaître que les trois pays (Congo, Rwanda, Burundi) dont la Belgique était responsable ont pris, chacun à leur manière, un très mauvais départ lors de leur indépendance. La métropole, au lieu de pacifier et d’unir, avait exacerbé les antagonismes ethniques, étouffé les aspirations nationalistes et aussi recouru systématiquement à la corruption des élites…

Vieilles histoires ? Rappels stériles ? Pas tant que cela : sans même revenir sur le génocide rwandais, il faut savoir que les divisions créées jadis continuent à faire des victimes. Conclusion : le devoir de mémoire et de réflexion ne doit pas seulement être le fait de nos « anciens colonisés ». Les jeunes Belges aussi méritent de savoir ce qui s’est réellement passé voici un demi-siècle. Il faut espérer que nos dirigeants, non contents de « donner des leçons » et de « faire passer des messages », prendront surtout le temps d’écouter, de mesurer les efforts déployés dans chacune de nos anciennes colonies. Pour dépasser la fatalité d’une histoire que nous avions contribué à forger. 

COLETTE BRAECKMAN, http://www.lesoir.be


05/07/2012
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