Le pouvoir CNDD-FDD sent que la pression aux médias privés devrait lui coûter cher
Initialement convoqués par le parquet de la mairie pour interrogatoire ce vendredi le 18 novembre, Bob Rugurika et Bonfils Niyongere, deux journalistes de la Radio Publique Africaine, viennent d’apprendre que la convocation est annulée à la dernière minute. Report sine die. Officiellement, le magistrat qui devrait les écouter sera occupé à autre chose. Cette pirouette est pour le moins étonnante. Mais elle serait sans doute liée au concert de protestations tous azimuts suscité par le harcèlement et les intimidations exercés ces derniers jours sur les médias privés en particulier la RPA, la radio Isanganiro et Bonesha-FM. L’Union Européenne avait récemment mis en garde Bujumbura par rapport cette escalade d’intimidation. Hier encore Reporter Sans Frontières exprimait son indignation face à cet insoutenable tour de vis sur les médias privés. « Devant l’intensification des tentatives d’intimidation auxquelles font face plusieurs médias privés burundais, Reporters sans frontières appelle le gouvernement du président Pierre Nkurunziza à cesser immédiatement cet acharnement. Convocations et mises en garde sont devenus le quotidien de la presse privée du pays. Les médias les plus visés sont la Radio Publique Africaine (RPA), et les stations Isanganiro et Bonesha FM. Les victimes sont leurs directeurs, leurs rédacteurs en chef, leurs journalistes. Leurs noms ? Eric Manirakiza, Bob Rugurika, Vincent Nkeshimana, Patrick Mitabaro, Patrick Nduwimana, et quelques autres…. Au moins deux ministres se sont directement illustrés par leurs mises en garde vis-à-vis de ces médias. Le 14 novembre 2011, dans une lettre adressée à la RPA, le ministre burundais de l’Intérieur, Edouard Nduwimana, a ouvertement accusé la radio "d’incitation à la désobéissance et à la haine". Le 16 novembre, la ministre en charge de la Communication, Concilie Nibigira, a quant à elle accusé TV Renaissance et les stations RPA, Bonesha FM et Isanganiro de porter atteinte à l’ordre et la tranquillité publics" pour avoir appelé les propriétaires de voitures à klaxonner pensant 15 secondes, ce jour-là, à partir de 12 heures 20. Faisant référence aux enquêtes sur le massacre de Gatumba, elle ajoute que "toute personne qui publie dans les médias ou par d’autres voies des éléments sur un dossier encore en phase pré-juridictionnelle s’expose au prescrit de l’article 11 de la loi du 27 novembre 2003 régissant la presse au Burundi". La ministre conclut sa lettre en appelant la presse à "éviter l’escalade, faute de quoi vous serez tenus d’en assumer les conséquences conformément aux dispositions pertinentes du code pénal"."Au Burundi, les journalistes et responsables de médias privés qui s’efforcent de s’exprimer librement et d’enquêter sur des sujets sensibles sont soumis à une terrible campagne d’intimidation, symbolisée par des convocations à répétition. Lutter contre le découragement est devenu leur défi", déplore Reporters sans frontières », lit-on dans la déclaration de RSF. Le porte-parole du Gouvernement, Philippe Nzobonariba, avait tenté de dédramatiser la situation « la plus part des médias ou des organisations de la société civile n’ont aucun problème, seuls ceux qui collaborent avec l’opposition et joue son jeu sont dans la ligne de mire ».